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Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/58

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qu’on avoit instruite de l’état auquel on me destinoit. Les deux premiers mois que je passai dans le monastère, je crus être en paradis. Ma tante au lieu de soufflets, me donnoit des confitures : plus de châtiment, plus de réprimande ; j’étois traitée avec une douceur extrême, & je bénissois l’heureux moment où j’étois entrée dans le couvent. Ma mere m’en sortoit quelquefois pour me mener dîner chez elle ; mais ces jours étoient des jours de tristesse & d’affliction. Je revenois toujours en pleurs auprès de ma tante, qui me consoloit des soufflets & des réprimandes que ma mere me donnoit en abondance. Enfin, elle m’annonça lorsque j’eus atteint seize ans, qu’il falloit prendre un parti, c’est-à-dire, retourner auprès d’elle, ou me faire religieuse. Vous jugez aisément que je ne balançai pas : je dis que je voulois prendre le voile. Ma mere, avant de consentir à ma demande, observa un grand cérémonial. Elle refusa d’abord de m’accorder la permission que je lui demandois : il fallut prier pour obtenir d’elle ce qu’elle avoit une envie infinie de m’accorder. Enfin après bien des prières, elle dit qu’elle vouloit