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Page:Boyer d’Argens - Thérèse philosophe.djvu/122

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chaste compagne, qui n’était pas tranquille sur les idées qui nie restaient de mon aventure, ne me quitta point ; elle chercha à me persuader que les hommes étaient toujours curieux de sonder jusqu’à quel point une fille qu’ils ont en vue d’épouser connaît les plaisirs de l’amour. La conclusion de ce beau raisonnement fut que la prudence aurait dû m’engager à affecter plus d’ignorance, et qu’elle voyait avec chagrin que ma vivacité m’avait peut-être fait manquer ma fortune.

Je lui répondis, avec feu, que je n’étais pas assez peu instruite pour ignorer ce que l’indigne R… voulait faire de moi. J’ajoutai assez sèchement que la plus haute fortune ne me tenterait jamais à ce prix-là. Emportée par mon agitation, je lui contai ensuite ce que j’avais vu du Père Dirrag et de Mlle Éradice, les leçons que j’avais reçues, à ce sujet, de l’abbé T… et de Mme C…

Enfin, de propos en propos, la rusée de Bois-Laurier sut tirer de moi toute mon histoire. Ce détail la fit changer de ton ; si je lui avais paru peu instruite des manières, des usages du monde, elle ne fut pas peu surprise de mes lumières dans la morale, la métaphysique et la religion.

La Bois-Laurier a le cœur excellent. « Que je suis enchantée, me dit-elle en m’embrassant étroitement,