Page:Boyer d’Argens - Thérèse philosophe.djvu/23

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quelque chambre écartée. Là, nous jouions à de petits jeux : un d’entre nous était élu le maître d’école, la moindre faute était punie par le fouet. Les garçons défaisaient leurs culottes, les filles troussaient jupes et chemises, on se regardait attentivement ; vous eussiez vu cinq ou six petits culs admirés, caressés et fouettés tour à tour. Ce que nous appelions la guigui des garçons nous servait de jouet ; nous passions et repassions cent fois la main dessus, nous la pressions à pleine main, nous en faisions des poupées, nous baisions ce petit instrument, dont nous étions bien éloignées de connaître l’usage et le prix ; nos petites fesses étaient baisées à leur tour : il n’y avait que le centre des plaisirs qui était négligé ; pourquoi cet oubli ? je l’ignore ; mais tels étaient nos jeux ; la simple Nature les dirigeait, une exacte vérité me les dicte.

Après deux années passées dans ce libertinage innocent, ma mère me mit dans un couvent : j’avais alors environ onze ans. Le premier soin de la supérieure fut de me disposer à faire ma première confession. Je me présentai à ce tribunal sans crainte, parce que j’étais sans remords. Je débitai au vieux gardien des capucins, directeur de conscience de ma mère, qui m’écoutait, toutes les fadaises, les peccadilles d’une fille de mon âge. Après m’être accusée