Page:Boyer d’Argens - Thérèse philosophe.djvu/25

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comme une personne honteuse, interdite, et je crus apercevoir, pour la première fois, du crime dans nos plaisirs. Le Père me demanda la cause de mon silence et de ma tristesse ; je lui dis tout. Quels détails n’exigea-t-il pas de moi ! Ma naïveté sur les termes, sur les attitudes et sur le genre des plaisirs dont je convenais servit encore à le persuader de mon innocence. Il blâma ces jeux avec une prudence peu commune aux ministres de l’Église ; mais ses expressions désignèrent assez l’idée qu’il concevait de mon tempérament. Le jeune, la prière, la méditation, le cilice furent les armes dont il m’ordonna de combattre par la suite mes passions.

« Ne portez jamais, me dit-il, la main ni même les yeux sur cette partie infâme par laquelle vous pissez, qui n’est autre chose que la pomme qui a séduit Adam, et qui a opéré la condamnation du genre humain par le péché originel ; elle est habitée par le démon, c’est son séjour, c’est son trône ; évitez de vous laisser surprendre par cet ennemi de Dieu et des hommes. La Nature couvrira bientôt cette partie d’un vilain poil, tel que celui qui sert de couverture aux bêtes féroces, pour marquer, par cette punition, que la honte, l’obscurité et l’oubli doivent être son partage. Gardez-vous encore avec plus de précaution de ce morceau de chair des jeunes gar-