Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/135

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dre ces cuivres rouges et ces vieux ors qui donnent aux feuillages une saveur majestueuse.

— Mais, dit-elle, je ne vois pas par où l’on pénètre dans votre île ?…

— Chut ! chut !… Savez-vous bien qu’il est tard et que l’entrée ordinaire nous est interdite : on ne doit pas entendre sonner la cloche des Borromées passé cinq heures du soir !

— Alors, par où passons-nous ?

— Par une porte dérobée…

— Oh ! mais c’est délicieux ! Dites donc ! mais il y a du danger à faire ça ?

— Je le crois bien ! figurez-vous qu’il y a neuf jardiniers robustes établis dans ce grand palais rose que nous apercevons de Stresa et d’Isola Bella, et vous frémiriez si je vous faisais la description de l’arsenal de défense dont ces gaillards-là sont munis, afin de tenir à l’abri du vol leurs graines, leurs plantes rares et les innombrables oiseaux qui peuplent cette forêt…

— Brrr ! fit-elle, tout en courant et sautant sur le rivage étroit que l’eau venait battre doucement. Sans compter, ajouta-t-elle, que nous débarquons un peu comme des malfaiteurs !…

Et elle s’élançait la première à l’assaut de la forteresse fleurie.

— Attention ! pas par là ! tenez, voyez ici ces marches naturelles qui s’enfoncent sous les branches… Bon ! c’est là notre brèche. En avant !

La petite porte était ouverte ; ils n’eurent qu’à en franchir le pas en déchirant de longs fils d’araignées. Le chemin qui s’offrait à eux était d’un romanesque achevé. D’énormes touffes de lierre pendaient à droite et à gauche, et leurs lourdes guirlandes se croisaient,