Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/160

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meilleur type humain que chacun conçoive aisément sans prendre la peine d’imaginer.

— Mais, cependant, et son Œuvre du Transtévère, ne l’en avez-vous pas entendu parler ?

— La belle affaire ! Il soigne les malades ! Des gens habitués de père en fils à vivre dans des quartiers ignobles, il les loge dans des maisons à cinq étages, avec eau, gaz, ascenseur, etc., dont les malheureux ne peuvent pas user : et il n’ose pas mettre le feu aux quartiers qu’il a dépeuplés, ce qui serait la seule besogne efficace ! Ses Romains retourneront à leur taudis, où ils préfèrent avoir la fièvre et ne pas travailler. Il a ménagé la chèvre et le chou ; il en sera officiellement récompensé, et les choses continueront à aller comme devant. Ce n’est pas là innover. Non, ceci coûte plus cher !…

C’était le matin, sur le pont du bateau à vapeur de Luino. M. Belvidera avait décidé tout le groupe de ses connaissances à faire une excursion au lac de Côme. On devait prendre le chemin de fer à Luino, et après une halte à Lugano, au bord du petit lac intermédiaire qui sert de transition entre les deux grandes plaines d’eau enchanteresses du lac Majeur et du lac de Côme, on passerait quelques jours à Bellagio. Le temps était radieux ; dès huit heures du matin, on s’abritait sous la grande toiture de toile, et les jeunes femmes amoureuses de l’eau, qui voulaient la voir friser en petits jets argentins le long de la coque blanche du bateau, ouvraient en se penchant leurs ombrelles multicolores.

Mme de Chandoyseau, enflammée instantanément pour le nouveau venu, confessait à Mme Belvidera elle-même, la passion qu’elle avait conçue pour son mari. Mistress Lovely favorisait en sourdine cette dernière lubie de la Parisienne, dans l’espoir de l’éloigner du trop faible clergyman. Celui-ci, tenu littéralement en laisse par sa