Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/244

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m’avait affirmé que la gageure avait été tenue par vous-même, madame ! »

Il se contint en pensant que si Dompierre eût dit vrai, en attribuant la responsabilité de cette gageure à Mme de Chandoyseau, celle-ci n’eût eu aucune bonne raison de ne pas la revendiquer. Étant donné son caractère, elle en eût au contraire tiré vanité. Il était plus que probable que Dompierre l’avait laissé accuser afin d’éviter de prononcer un autre nom. Il était très vraisemblable qu’il fût l’amant de la Carlotta et il n’était que décent de sa part de laisser sa liaison enveloppée de mystère.

Aussitôt édifié sur le sens de la petite contradiction que lui avait révélée le rapport du révérend Lovely, M. Belvidera se hâta de prendre congé de la Parisienne, en la félicitant d’avoir soutenu si chaleureusement la défense du jeune homme à qui il accordait, quant à lui, une estime très particulière, qu’il ne songeait pas d’ailleurs à lui retirer, dit-il, à cause de ses intrigues avec la jolie marchande de fleurs. Mais avant de la saluer, afin de ne conserver aucun doute sur la perfidie qu’elle avait apportée à lui signaler la noblesse des goûts de Dompierre, et afin de lui manifester en même temps qu’il n’avait pas été dupe de la générosité du plaidoyer qu’elle n’avait fait que pour éveiller ses soupçons de mari, il lui dit en affectant un ton candide :

— Je vais retrouver Monsieur Dompierre, madame ; dois-je lui dire tout le bien que vous pensez de lui ? croyez-vous qu’il me convienne de lui faire honte de ses amours vulgaires ?…

Elle comprit qu’il avait eu l’oreille bonne, et qu’il la poussait à bout, à mots couverts, pour qu’elle lui parlât net. Puisqu’elle avait tant fait de risquer la partie, à quoi bon, se dit-elle, s’arrêter en chemin ? Et, d’un ton familier, ou elle mettait toute la complicité d’une