Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/248

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plus intimement uni à nous que jamais, et ceci, sous mes yeux, sous la garantie de mon amitié qui est telle en réalité et que je saurai manifester telle, que personne ne vous puisse croire, ma femme ni vous, capables de la trahir.

Vous êtes un galant homme : je ne vous demande même pas si vous acceptez.

M. Belvidera tendit la main au jeune homme, devant Mme de Chandoyseau, qui assistait de loin à ce colloque. Dompierre, muet et glacé comme une statue de marbre, se laissa serrer la main. Enfin, il fit effort pour desserrer les dents et dit :

— Je suis à vous.

— Merci, fit M. Belvidera ; et il ajouta en souriant :

— Et puis, vous savez je ne veux pas vous imposer une pénitence : toutes les fois que vous aurez mieux à faire, — ce qui ne peut manquer de vous arriver, — vous pourrez vous échapper sans demander la permission…

Gabriel saisit l’allusion à l’intrigue de Carlotta. Il l’avait oubliée, dans le saisissement que lui avait causé le discours de M. Belvidera. Sans doute celui-ci y ajoutait foi. Peut-être était-ce grâce à cette conviction qu’il ne le soupçonnait pas même d’avoir une passion inavouée par sa femme. Il fallait donc commettre cette autre infamie, contribuer à accuser une pauvre fille innocente. Il sourit, de l’air de quelqu’un qui a compris et qui acquiesce.

La petite Luisa déboucha en courant dans le jardin, où se trouvaient ces messieurs. Elle avait les deux mains sur les yeux et faillit tomber à plusieurs reprises avant de venir se réfugier en fondant en larmes dans les bras de son père.

— Luisa ! voyons ! eh bien ! qu’est-ce qui nous est arrivé ?