Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/291

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

après ça ? Trouvez-vous que je suis encore « parfumée comme la rose de Jéricho » ?…

Le clergyman levait les bras au ciel. Il dit :

— Le Seigneur aime le paovre pécheur, madame, et je ne suis que le plus humble serviteur du Seigneur.

— Je vous remercie de votre indulgence, dit Mme de Chandoyseau. Mais songez cependant que je vous ai employé dans toutes ces histoires ; que, sous le prétexte de signaler l’horreur du scandale, je vous l’ai fait colporter ; que tout le monde qui eût douté de ma parole a cru à la vôtre, à cause de votre âge et de votre caractère !…

— Christ ait pitié de nous !

Le pauvre homme était tombé sur une chaise, et sa confusion était au comble. Il était épouvanté de l’aveuglement que la « concupiscence » avait répandu sur ses yeux et de la grandeur du mal où sa malheureuse passion l’avait entraîné. Quoi ! c’était lui qui avait été l’instrument des papotages d’une ville entière, et grâce auxquels un jeune homme était calomnié et l’honneur d’une jeune fille traîné dans la boue ! Dieu avait retiré la vue à son serviteur indigne, afin qu’il s’avançât davantage dans la voie de la déchéance que la luxure lui avait ouverte !

Mais Mme de Chandoyseau ne l’avait pas fait venir là pour contempler l’immensité du péché. Elle voulait qu’il lui donnât un avis, qu’il essayât de réparer ce qu’il avait — d’ailleurs innocemment — contribué à répandre.

— Que faire ? dit-elle.

Le vieillard se redressa.

— Madame, si le mal est grand, dit-il, du moins en ignore-t-on la source. Monsieur Dompierre peut ne pas savoir que vous avez été son ennemie souterraine ; dès lors, rien ne l’empêche de s’allier avec votre famille…