Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/30

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maient un immuable dessin lumineux. Tout en causant avec son ami, il relevait la tête vers la fenêtre avec un air de dévotion si touchant, de désir si manifeste de la voir s’ouvrir, que la jeune femme en eut la sensation d’une caresse, et, fronçant le sourcil avec une pointe de colère, elle se retira de la fenêtre et appela la petite Luisa.

— Luisa ! Luisa ! tu n’as pas vu la lettre de Papa ?

L’enfant accourut de la chambre voisine, en faisant crier la femme de chambre qui était en train de l’habiller et parut derrière elle, ayant à la main des lacets rompus par la précipitation.

— Voyons ! voyons ! fais voir la lettre de Papa !

La mère prit sur la cheminée une lettre dont les pages étaient remplies d’une grande écriture ferme et hardie, de ces écritures dont le premier aspect fait épanouir la figure des graphologues, qui sentent qu’ils peuvent dire tout de ce caractère sans risquer de choquer ni l’auteur ni ses amis.

La fillette saisit la lettre de ses deux mains, alla s’asseoir pour être bien à l’aise, et lut, tout haut et lentement, avec l’empressement, l’amour et la touchante admiration qu’elle manifestait toutes les fois qu’il était question de son père :

Rome, 8 septembre.

     Ma femme bien-aimée,

J’embrasse ta lettre ainsi que le griffonnage de la petite Luisa ; tu te moquerais de moi si tu me voyais ; je t’entends rire, de ton rire à toi, ma chérie, chérie ! Mais, vois-tu bien, je suis accablé par cette séparation. Je viens de consulter le calendrier : il n’y a que trois semaines, pourtant ! Je suis tenté de maudire cette Rome au climat mortel qui m’oblige à vivre éloigné