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sa gorge forte et libre sous un corsage de pauvresse à demi boutonné, et elle marchait en se balançant sur des hanches saillantes et paresseuses.

À cette heure-là, elle était marchande d’éventails et de paniers de paille dans une petite boutique construite en planches, et les rares acheteurs lui laissaient le loisir de bavarder, de rire et de s’étirer au soleil.

Cinq ou six femmes étant venues s’asseoir sur les marches où des arbres répandaient l’ombre trouée de leurs hautes branches, Carlotta se campa debout en face d’elles et les poings aux hanches. Sa silhouette était une merveille. Par cette belle fille simple, la nature confirmait le plus pur classicisme ; on eût cru voir un dessin de Raphaël. Elle avait le nez des marbres romains, de grands yeux gris et fins, et le dessin des lèvres d’une netteté presque invraisemblable.

Une enfant passa, qui portait sur la tête un bassin de cuivre rempli d’eau. Les femmes l’arrêtèrent ; elles trempèrent l’une après l’autre un verre dans l’eau pure et elles en avalaient d’un trait le contenu. Carlotta but, s’étira les bras, les tint un moment élevés et les reposa nonchalamment sur ses hanches. Quelqu’un la fit éclater de rire tandis qu’elle buvait un second verre d’eau qui se répandit sur sa robe. Elle la retroussa d’un geste prompt, franchement et très haut, mais sans la moindre hésitation, sans vulgarité, sans donner le soupçon de l’immodestie, tant ses mouvements étaient spontanés, simples et près de la nature.

Des hommes du port, des bateliers, en passant, s’arrêtaient près d’elle ; quelques-uns essayaient de la lutiner ; elle se défendait en riant et leur allongeait de grandes tapes lourdes. Mais l’un d’eux, un gars de vingt ans, fort et trapu, avec un regard timide et sombre, étant survenu, se posta derrière elle, sans lui parler. Dès lors personne n’osa plus la lutiner.