Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/68

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Elle avait légèrement rougi en les apercevant ; elle rougit davantage quand elle apprit par leurs noms qu’ils n’étaient pas mariés. Eux-mêmes furent extrêmement embarrassés. Leur cas était pire qu’ils ne l’avaient pensé tout d’abord : car ils avaient cru être exposés à l’indiscrétion d’une petite curieuse, et ils se demandaient s’ils n’avaient pas tout bonnement scandalisé une très candide jeune fille.

« Allons donc ! fit à part lui Gabriel, la sœur de la Chandoyseau une candide jeune fille, c’est tout à fait invraisemblable. C’est une petite sotte comme sa sœur aînée ; mais elle est un peu gênée de se trouver si tôt en présence des héros du roman qu’elle a découvert ; tout le monde le serait à sa place ; elle ne tardera pas à faire de nous des gorges chaudes. »

Mme  Belvidera, moins promptement rassurée que lui, voulait retourner à Stresa ; mais elle lut sur sa figure une si parfaite tranquillité recouvrée, qu’elle fut sans force pour refuser l’invitation à déjeuner que leur faisait Mme  de Chandoyseau.

Gabriel lui dit à la dérobée ce qu’il pensait de la jeune fille.

— Vous croyez ? dit-elle. Dame ! vous connaissez mieux vos Parisiennes que moi ; il faut que je m’en rapporte à vous !… mais cette petite a une figure charmante.

— Vous ne trouvez pas qu’elle ressemble à sa sœur ?

— Oui et non !

— Bast !… et puis elle s’appelle Solweg ! Voyons, vous ne me ferez pas croire qu’une demoiselle qui s’appelle Solweg, et qui est la sœur de Madame de Chandoyseau, n’a pas couru les couloirs des théâtres soi-disant artistiques, les cheveux en bandeaux plats, en compagnie de petits pédants efflanqués, au front