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MADEMOISELLE CLOQUE

se renversa. Les gamins furent saisis d’un fou rire. Il leur lança :

— Allez-vous-en ! allez-vous-en ! que je ne me mette pas en colère !…

Toute la marmaille s’enfuit pêle-mêle au travers des chaises, butant, tombant, se relevant avec des cris étouffés. Malgré les culbutes, en un clin d’œil ils avaient atteint la porte de sortie. Alors on entendit le Frère leur crier très fort :

— Et que j’en pince un qui sorte sans faire son signe de croix !…

Dans l’ombre où leurs yeux s’accoutumaient, Mlle Cloque et sa nièce distinguèrent la grappe de cette dizaine de bambins, chacun suspendu par un bras au bénitier ; elles entendirent le gargouillement de l’eau et virent les enfants se signer d’un geste grand comme eux.

Puis le Frère se disposa à traverser la chapelle, sa bougie à la main.

« Mon Dieu ! soupira Mlle Cloque, il va nous voir ; j’aurais pourtant préféré l’éviter… »

Il s’avançait, protégeant la flamme d’une main. La lumière qui donnait en plein sur son visage, avivait le bleu cru du rabat. Il fit un mouvement en reconnaissant Mlle Cloque qui le fuyait depuis plusieurs semaines, ce qu’il savait très bien. Il n’hésita pas un instant ; il s’arrêta et dit :

— Comment ! c’est vous, mademoiselle ; vous avez donc été malade ?…