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LE PETIT BONHEUR

vue de l’immense plaine, carrefour de lignes de chemins de fer, terminée au loin par les douces collines de la Loire, et où s’étend Tours, tout à plat. On ne voyait émerger de la ville que les flèches grises de la cathédrale, quelques églises, les deux hautes tours de l’ancienne basilique et, depuis peu de temps, une sorte de pâtisserie informe, blanchâtre, comparable à une grosse cloche de plâtre, qui était la nouvelle église de Saint-Martin.

En marche ralentie, on coupait l’extrémité de la longue avenue de Grammont plantée d’arbres, et l’œil de la jeune femme embrassait d’un coup le prolongement en droite ligne : la rue Royale, — depuis peu nommée rue Nationale, — le pont de pierre, la Rampe de la Tranchée, et tout là-bas, adossé, aux coteaux, le Sacré-Cœur de Marmoutier : un monde d’évocations !

Avant l’heure du déjeuner, elle était dans les bras de sa tante. Et c’étaient aussitôt des questions précipitées, superposées, enchevêtrées, un babillage sans fin que ne réussissaient à interrompre ni la sombre exaltation religieuse qui croissait chez Mlle Cloque d’une manière inquiétante, ni l’appétit que ce déplacement matinal donnait à Geneviève. À chaque fois, on eût dit qu’elle revenait d’un long voyage.

Aller chez le dentiste, après le déjeuner, était une vraie partie de plaisir. Les personnes qui la rencontraient pendant les cinq ou six heures