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Page:Boylesve - Mademoiselle Cloque, 1899.pdf/50

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LA CHAPELLE PROVISOIRE

— Mon Dieu ! donnez-moi des forces ; faites-moi la grâce de ne pas tomber !…

Et, d’un courageux effort sur elle-même, elle se redressa et se tint ferme.

La situation était plus tragique pour elle que pour aucune des personnes présentes à cette volte-face. Car elle seule, sans doute, était informée du véritable sens de l’article ambigu du Journal du Département. Elle seule savait, à l’heure actuelle, la gravité de l’attitude que venait de prendre le comte de Grenaille. En adoptant le parti de l’archevêché et le « projet républicain », non seulement il trahissait la cause du parti catholique dont il était l’ornement, mais il endossait la responsabilité des insinuations calomnieuses du journal ; il reniait l’acte chevaleresque de son fils Marie-Joseph ! C’était un coup d’état, une révolution. Demain, ce soir, tout à l’heure peut-être, par les feuilles de l’après-midi, tous apprendraient que M. le comte de Grenaille-Montcontour publiquement accusé de soutenir les projets gouvernementaux « dans un but qu’il restait à élucider » n’avait répondu qu’en affirmant son adhésion à ces projets. C’était pour les Basiliciens la perte d’un appui des plus précieux et sur lequel beaucoup avaient témérairement compté ; mais pour Mlle Cloque c’était la question du mariage de sa nièce vis-à-vis de quoi venait de se creuser un précipice beaucoup plus terrible qu’elle n’avait osé le redouter.