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MADEMOISELLE CLOQUE

fermés dans une bibliothèque cependant très variée. Il est malaisé de faire soi-même son choix sans courir le risque de tomber sur des insanités qui coûtent aussi cher que les meilleurs livres et que l’on hésite quelquefois à brûler.

Mme Pigeonneau était une femme si délicieuse que beaucoup fréquentaient sa maison pour le seul plaisir. Elle causait bien, et affectait de n’être pas commerçante pour deux sous. Cependant il était rare qu’on s’en allât de chez elle les mains vides : témoin le marquis d’Aubrebie, dont l’impiété était notoire, qui venait là chaque matin se régaler de sa vue, et qui amoncelait chez lui paroissiens, médailles et statuettes de tous les saints.

— C’est pour ma pauvre femme, disait-il ; il faut flatter ses innocentes manies.

Et ces dames qui le taquinaient fort sur son irréligion se faisaient un jeu de lui emplir les mains et les poches des mille articles du magasin Pigeonneau.

— On n’éprouvera jamais trop l’efficacité des images saintes ; leur présence chez vous, monsieur le marquis, vous vaudra une fin édifiante…

Une dame Chevillé, qui craignait toujours que l’on plaisantât des choses de la religion, lança, d’un ton pointu :

— On a vu des cas bien extraordinaires !…

— Connaissez-vous celui de monsieur Dupont, surnommé le saint homme de Tours ? répliquait