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LES IDÉES LATENTES DU LANGAGE.


logiquement et consciencieusement : « Compagnie d’assurances contre les accidents sur les chemins de fer », l’anglais, non moins clair mais plus hardi, fait : rail road accidents insurance company.

La pensée est un acte spontané de notre intelligence qu’aucun effort venant du dehors ne peut mettre en mouvement d’une manière directe et immédiate. Tout ce que vous pouvez faire, c’est de provoquer ma pensée, et cette provocation sera quelquefois d’autant plus vive qu’elle paraîtra moins explicite. De même qu’une allusion suffit souvent pour éveiller en nous un monde de sentiments et de souvenirs, le langage n’a pas toujours besoin de nous détailler les rapports qu’il veut nous faire entendre la seule pente du discours nous fait arriver où l’intelligence d’autrui veut nous conduire.

Je passe à une autre série de faits non moins importants, qui concerne le verbe. Vous savez que le fait essentiel qui domine notre système grammatical, c’est la distinction du verbe et du nom. Je vais essayer de vous montrer que cette distinction était à l’origine tout intellectuelle, et qu’elle repose sur deux ellipses intérieures.

Prenons trois formes verbales très-simples ât-ti « il mange », é-ti « il marche », bhâr-ti (forme védique) « il porte ». J’examine les éléments dont elles se composent. Il n’est pas difficile de voir que ces verbes comprennent deux racines dont l’une est subordonnée à l’autre par l’accent tonique. Nous avons d’une part les racines attributives ad « manger », i « aller », bhar « porter »,