Page:Brébeuf - Relation de ce qui s’est passé dans le pays des Hurons en l’année 1636.djvu/124

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

touſiours de nouueau, iuſqu’à ce que la chaudiere ſoit nette. N’eſt-il pas vray à ouïr tout cecy, & pluſieurs autres traicts de gourmandiſe, que i’obmets par bienſeance, de dire, que ſi Regnum Dei non est eſca & potus ; ſi le Royaume de Dieu n’eſt pas à boire & à manger ; ſi eſt bien celuy que le Diable a vſurpé ſur ces pauures aueugles. Plaiſe à noſtre Seigneur auoir pitié d’eux, & les deliurer de cette tyrannie.

Mais il n’y a rien de magnifique comme les feſtins qu’ils appellent Alȣrontaochien, c’eſt à dire feſtins à chanter. Ces feſtins dureront ſouuent les vingt-quatres heures entieres, quelquefois il y aura trente & quarante chaudieres, & s’y mangera iuſques à trente Cerfs : cet hyuer dernier il s’en fit vn au village d’Anatata de vingt-cinq chaudieres, où il y auoit cinquante grands poiſſons, qui valent bien nos plus grands Brochets de France, & ſix vingts autres de la grandeur de nos Saulmons. Il s’en fit vn autre a Contarrea, de trente chaudieres, où il y auoit vingt Cerfs & quatre Ours, auſſi y a t’il ordinairement bonne compagnie, les huict & neuf villages y ſeront ſouuent