Page:Bréhier - Les Thèmes actuels de la philosophie, 1951.djvu/27

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préhension d’un objet se perd, en quelque sorte dans l’objet lui-même et notre attention se détourne de l’appréhension elle-même ; ni plus ni moins que pour Plotin la tâche de la philosophie est pour Husserl, de se dégager de cette fascination, si différente d’ailleurs que soit l’issue de cet effort, quoiqu’il s’agisse chez l’un comme chez l’autre d’un changement de direction du regard intellectuel.

Pour faire comprendre le sens de cette ascèse que nous demande Husserl, le mieux sera, je crois de prendre un exemple. Je viens de voir devant moi le frémissement des feuilles d’un arbre agité par le vent ; c’est du moins ainsi que j’exprime mon expérience ; mais dans cette expression, je me réfère à l’arbre, au vent qui l’agite ; j’ébauche une explication physique de phénomène. Je puis même la pousser plus loin et dans le même sens, faire appel aux lois de l’équilibre selon lesquelles les feuilles oscillent, aux lois de la propagation de la lumière, à celles de l’impression lumineuse et de la transmission de l’influx nerveux, que sais-je encore ? Mais je veux maintenant laisser de côté toutes ces réalités physiques, que j’ai construites grâce à mon expérience passée et à la physique que j’ai pu apprendre, et toute cette explication qui repose sur l’interaction d’objets que je conçois existant en dehors de ma perception.