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surtout, à travers le monde, une manière d’entendre la discipline de groupe qui fait de l’individu un esclave. On paraît ignorer que la force d’une société résulte de la conduite, de l’attitude morale de chacun. L’initiative de l’individu est irremplaçable ; le groupe ne peut valoir mieux que l’individu. Tout éducateur expérimenté sait bien que, si l’éducation peut provoquer cette initiative, en mettant l’enfant dans un milieu favorable, elle n’a aucun moyen mécanique et sûr de la produire ; finalement, tout revient à un consentement libre de l’enfant.

On a beaucoup disserté, au xixe siècle, sur l’origine de la conscience morale ; sans entrer dans le détail des explications qu’on en donnait, on peut dire qu’elles péchaient toutes sur le même point ; en faisant de la conscience morale quelque chose d’analogue à un instinct ou à une habitude consolidée, elles voyaient en elle un facteur d’inertie ; tout à fait à tort, car la délicatesse morale rend à l’inverse l’esprit disponible pour répondre de la manière qui convient aux situations changeantes et mouvantes qui peuvent se présenter. Aujourd’hui, en morale comme ailleurs, le philosophe s’occupe moins des questions de genèse, que des questions de structure : il ne croit pas que la conscience vient purement du dedans, mais pas davantage purement du dehors : dedans et dehors, réflexion intime et