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récent d’Amédée Ponceau, Timoléon : réflexions sur la tyrannie. Montrant combien la tyrannie est répandue même dans nos États démocratiques, il est d’avis que s’il y a un remède à ce mal, ce remède ne peut venir que d’un changement intime de la volonté, n’ayant d’autre source que l’initiative personnelle ; le changement des institutions, à lui seul, n’aurait d’autre effet que de déplacer la tyrannie. Le problème de la tyrannie serait non pas politique, mais moral.

Si la vie morale est bien dans la liaison du dedans et du dehors, de la volonté intime et de l’expérience, on comprend comment deux dangers, inverses l’un de l’autre, la menacent.

Le premier est l’abus des réglementations sociales. Sans doute les lois sociales, qui veulent remédier à des maux sociaux tels que la misère, la maladie ou les résultats de la guerre sont en elles-mêmes excellentes. Excellentes aussi les techniques éducatives qui, déterminant les capacités de l’individu, préparent chacun à la fonction sociale pour laquelle l’est fait. Mais l’abus est ici redoutable : ces lois et ces techniques nous assujettissent à des règles de plus en plus compliquées, et la vie de chacun de nous devient de plus en plus une vie publique. Les romanciers de mœurs du siècle dernier peignaient volontiers, en les tournant en ridicule, les hommes devenus prisonniers de l’automatisme