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Ce changement continuel de forme, combiné avec la persistance de la valeur a amené une thèse qui est soulignée dans presque toutes les philosophies actuelles des valeurs, notamment chez M. Raymond Polin, celle de la transcendance de la valeur et de la contingence de ses formes. La transcendance de la valeur, cela veut dire qu’elle ne s’identifie à aucune de ses manifestations, mais qu’elle se présente à l’esprit humain comme une exigence infinie à satisfaire ; et la contingence signifie que cette valeur n’est pas comme une règle mécaniquement applicable, mais qu’elle exige au contraire la liberté, l’effort et l’invention. Cette transcendance et cette infinité, c’est ce qui fait que l’homme a une tâche à accomplir et ce qui le distingue d’une espèce animale ordinaire ; mais cette sorte d’ouverture de l’humanité sur le transcendant pose bien des problèmes. L’infinité de la valeur est-elle, comme le veut M. Polin, indétermination pure, ce qui laisse à chacun la liberté et la responsabilité de son engagement ? Est-elle au contraire, comme le dit M. Le Senne, une preuve en faveur de l’existence d’une Valeur suprême, d’un Dieu infini et parfait, qui est, plutôt qu’une valeur, la source commune de toutes les valeurs ? Dans les deux cas, la théorie des valeurs porte bien la marque caractéristique de la pensée