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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome I.djvu/100

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AURORA FLOYD

— Ç’a été pure bonté de ma part de vous envoyer, il y a quelques jours, ce journal, n’est-ce pas ? — dit Harrisson, cueillant à l’arbre qui était près de lui une petite branche sèche qu’il se mit à mâcher pour son plaisir.

Aurora et l’homme avaient, en parlant, marché lentement en avant et ils étaient, à ce moment, à une certaine distance de la voiture.

Talbot était en proie à une impatience fiévreuse.

— Connaissez-vous ce pensionnaire de votre cousine, Lucy ? — demanda-t-il.

— Non, je ne peux pas me souvenir de son visage ; je ne pense pas qu’il soit de Beckenham.

— Mais si je ne vous avais pas envoyé ce numéro du Life, vous ne l’auriez pas su, vous ne le sauriez pas encore maintenant, n’est-ce pas ? — dit l’homme.

— Non non… peut-être non… — répondit Aurora.

Elle avait tiré son porte-monnaie de sa poche, et Harrisson regardait à la dérobée, mais avec des yeux étincelants, le petit carnet de maroquin.

— Vous ne me demandez aucun détail ? — dit-il.

— Non. Que m’importe de les connaître ?

— Non, certainement, — répondit l’homme étouffant un cri, — vous en savez assez, et, si vous vouliez en savoir davantage, je ne pourrais pas vous le dire, car ces quelques lignes du journal sont tous les renseignements que j’ai pu me procurer sur cette affaire. Mais je l’ai toujours dit et je le dirai toujours, si un homme qui monte un cheval pèse plus de 11 stones…

Il paraissait en train de ne pas cesser de divaguer sur ce ton-là, si Aurora ne l’eût interrompu en fronçant le sourcil d’impatience. Peut-être se tut-il d’autant plus volontiers qu’elle ouvrit sa bourse au même moment et qu’il vit briller les souverains cachés entre les feuilles de soie cramoisie. Il n’avait pas un sentiment bien subtil des couleurs, mais je suis convaincu qu’il pensa que l’or et le cramoisi formaient un contraste agréable lorsqu’il regarda les pièces jaunes dans le porte-monnaie de Mlle Floyd. Elle versa les souverains dans la paume de sa main gantée, puis elle fit