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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome I.djvu/142

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AURORA FLOYD

Archibald ignorait que Mellish avait été refusé par sa fille un certain matin d’automne, à Brighton. Aussi résolut-il de lui parler franchement, et de sonder les profondeurs de la pensée de son hôte.

Mme Powell faisait du thé à une petite table près d’une des fenêtres ; Aurora s’était endormie, un livre ouvert à la main, et le banquier se promenait de long en large, dans une allée bordée d’espaliers, au coucher du soleil.

Archibald fit franchement part de ses inquiétudes à l’habitant du comté d’York.

— Je n’ai pas besoin de vous dire, mon cher Mellish, — dit-il, — combien j’ai de plaisir à vous avoir ici. Je n’ai jamais eu de fils ; mais, s’il avait plu à Dieu de m’en donner un, j’aurais désiré qu’il fût franc et noble de cœur comme vous. Je suis un vieillard, et j’ai pu éprouver de grandes peines… ce genre de peines qui pénètrent le cœur plus avant qu’aucun des chagrins qui ont pour point de départ Lombard Street ou la Bourse ; mais je me sens plus jeune dans votre société, et je m’aperçois que je m’attache à vous et m’appuie sur vous comme un père pourrait le faire avec son fils. Vous pouvez donc croire que je ne veux pas me débarrasser de vous.

— Je le crois, monsieur Floyd ; mais pensez-vous qu’une autre personne veuille se débarrasser de moi ? Pensez-vous que je sois un ennui pour Mlle Floyd ?

— Non, Mellish, — répondit vivement le banquier. — Je suis sûr qu’Aurora se plaît dans votre société, et elle semble vous traiter presque comme si vous étiez son frère ; mais… mais je connais vos sentiments, mon cher ami, et ce que je crains, c’est que peut-être vous ne lui inspiriez jamais un sentiment plus vif au fond du cœur.

— Laissez-moi rester et en courir la chance, monsieur Floyd, — s’écria John, jetant son cigare à travers les espaliers, et s’arrêtant tout à coup sur le chemin sablé, dans la chaleur de son enthousiasme ; — laissez-moi rester et en courir la chance. S’il y a quelque désappointement à supporter, je le supporterai comme un homme ; je retournerai au Park, et vous ne serez plus jamais importuné de ma