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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome I.djvu/196

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AURORA FLOYD

Lucy avec Talbot. Ainsi donc, comme il n’y avait aucun empêchement, et comme les amants s’estimaient et se connaissaient depuis longtemps, il fut décidé, à la requête du Capitaine, que le mariage serait célébré au commencement du mois de juin, et qu’on irait passer la lune de miel au château de Bulstrode.

À la fin de mai, M. et Mme Mellish vinrent à Felden pour assister aux noces de Lucy, qui furent célébrées en grande pompe à Fulham. Archibald Floyd offrit à sa petite nièce un bon de cinq mille livres sterling, à son retour de l’église.

Il y eut un moment pendant la cérémonie où Bulstrode fut sur le point de se frotter les yeux, en pensant que cette brillante fête n’était qu’un rêve. C’était un rêve assurément ; car à ses côtés se tenait une pâle et blonde jeune fille, tandis que la femme qu’il avait choisie deux ans auparavant, était dans un groupe derrière lui, et assistait à cette cérémonie en spectatrice parfaitement satisfaite. Mais quand il sentit la petite main gantée trembler sur son bras, au moment où ils quittèrent l’autel, il se souvint que ce n’était point un rêve, et qu’à partir de cette heure, la vie avait pour lui des devoirs nouveaux et sacrés.

Maintenant que mes deux héroïnes sont mariées, le lecteur un peu versé dans la physiologie du roman peut conclure que mon récit est terminé, que le rideau est prêt à tomber sur le dernier acte de la pièce, et qu’il ne me reste rien de plus à faire qu’à réclamer l’indulgence pour le jeu insuffisant des acteurs. Cependant, le drame de la vie réelle se termine-t-il toujours sur les marches de l’autel ? Faut-il absolument que la pièce soit finie quand le héros et l’héroïne ont signé leurs noms sur le registre ? L’homme cesse-t-il d’être, d’agir et de souffrir quand il se marie ? Et est-il nécessaire que le romancier, après avoir consacré trois volumes à décrire une cour de six semaines de durée, ne se réserve pour lui-même qu’une demi-page dans laquelle il nous dira les événements des deux tiers d’une vie. Aurora est mariée, elle est établie, elle est heureuse ; à l’abri, comme on peut se l’imaginer, de tout danger, elle est en sûreté