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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome I.djvu/203

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AURORA FLOYD

du style plus moderne du règne d’Élisabeth, perdue dans un riche fouillis de lierre et de brillant feuillage, elle sentait, dis-je, que ce tableau magnifique, ce panorama superbe était à elle ou à son mari, ce qui était la même chose. Elle n’avait jamais un seul instant regretté son union avec John. Elle ne lui avait jamais, comme je l’ai déjà dit, été infidèle même par la pensée.

À un endroit du bois, le sol montait considérablement ; de sorte que la maison, se trouvant dans un creux, était parfaitement visible toutes les fois que les arbres laissaient une échappée. Ce terrain élevé était considéré comme le plus charmant endroit du bois, et l’on y avait construit un kiosque, frêle construction en planches tombée en ruine depuis nombre d’années, mais qui formait encore une retraite assez agréable par un jour d’été ; il était meublé d’une table et d’un grand banc, et abrité contre le soleil et le vent par les branches inférieures d’un hêtre magnifique. À quelques pas de ce kiosque se trouvait un étang dont la surface était couverte de nénuphars et de roseaux, au point qu’un étranger n’eût peut-être pas eu conscience du danger qu’il courait en se promenant de ce côté. Aurora devait passer près de là, et elle tressaillit de terreur en voyant un homme endormi et étendu au bord de l’étang. Elle se remit bientôt, se rappelant que John permettait au public de passer par ce chemin ; mais elle tressaillit de nouveau quand l’homme, qui ne devait pas être bien profondément endormi pour que le pas léger d’Aurora ait pu le réveiller, leva la tête, et montra le pâle visage de l’idiot.

Il se releva lentement en voyant Mme Mellish et s’éloigna cauteleusement, la regardant tout en marchant, mais ne laissant pas autrement voir qu’il savait qu’elle était là.

Aurora ne put retenir un frisson de terreur ; on eût dit que le bruit de ses pas avait réveillé quelque créature rampante, quelque hideux membre de la race des reptiles, et l’avait forcé de quitter sa cachette.

Hargraves disparut au milieu des arbres, pendant que Mme Mellish passait, la tête orgueilleusement relevée, mais un peu plus pâle qu’avant sa rencontre inattendue avec l’idiot.