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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome I.djvu/210

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AURORA FLOYD

À ces mots, elle retourna son visage de son côté.

— Si vous ne voulez de moi que la vérité, John, ne me demandez rien. Rappelez-vous ce que je vous ai dit au château d’Arques. C’est un secret qui a amené ma rupture avec Bulstrode. Vous eûtes confiance en moi, alors, John, il faut vous fier à moi jusqu’à la fin ; ou si vous me retirez votre confiance…

Elle s’arrêta brusquement, et les larmes montèrent lentement jusqu’à ses grands yeux tristes, qu’elle tenait fixés sur son mari.

— Eh bien ! chère ?

— Il faut vous séparer de moi, comme Talbot s’en est séparé.

— Nous séparer ! — cria-t-il. — Aurora, mon amour ! Croyez-vous qu’il y ait sur la terre quelque chose qui puisse nous séparer avant la mort ? Pensez-vous qu’aucune combinaison de circonstances, si étranges, si inexplicables qu’elles soient, me fera jamais douter de votre honneur, ou trembler pour le mien ? Serais-je ici si je doutais de vous ? Pourrais-je m’asseoir à vos côtés, vous faire ces questions, si je craignais votre réponse ? Rien ne peut ébranler ma confiance, rien ! Mais ayez pitié de moi, songez combien il est amer pour moi de me trouver là, votre main dans la mienne, et de savoir qu’il y a un secret entre nous. Aurora, dites-moi… cet homme… ce Conyers… qu’est-il et qui est-il ?

— Vous savez cela aussi bien que moi. Il a été groom, puis jockey, et maintenant il est entraîneur.

— Mais vous le connaissez ?

— Je l’ai vu.

— Quand ?

— Il y a quelques années, quand il était au service de mon père.

Pendant un moment, John respira plus librement. L’homme avait été groom à Felden. C’était tout. Cela expliquait comment il se faisait qu’Aurora avait reconnu son nom, mais cela n’expliquait pas son émotion. Il n’en savait pas plus qu’auparavant.