Aller au contenu

Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome I.djvu/80

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
76
AURORA FLOYD

Le temps était doux pour une soirée de novembre, et les trois fenêtres du salon étaient ouvertes du plancher au plafond. On avait du plaisir à fuir la brûlante lumière du gaz pour venir se reposer la vue sur la vaste étendue de l’Océan éclairé par la lune, parsemé çà et là d’une blanche voile, brillant dans l’ombre de la nuit. Bulstrode s’assit près d’une des fenêtres et se mit à contempler ce paisible spectacle, dont, je le crains bien, il appréciait très-peu la beauté. Il souhaitait que les convives s’éloignassent et le laissassent seul avec Aurora. Il était près de onze heures ; et il était grandement temps de s’en aller. Mellish, naturellement, n’allait pas manquer d’insister pour attendre Talbot ; c’était là une des choses qu’un homme devait endurer sans mot dire de la part d’une ancienne connaissance d’école. Tout Rugby pourrait tourner contre lui dans un jour ou deux et lui disputer les sourires d’Aurora. Mais Mellish était engagé dans une conversation très-animée avec Floyd, dans les faveurs de qui il était parvenu à s’insinuer avec une habileté consommée ; les invités se retirèrent un à un, et Aurora, se laissant aller à un bâillement indolent qu’elle prit peu la peine de cacher, vint se réfugier sur le large balcon en fer. Lucy était assise à une table à l’autre extrémité de la salle, feuilletant un livre illustré.

Bulstrode se rendit au balcon, et la terre cessa de tourner pendant dix minutes environ et toutes les étoiles du ciel répandirent leur lumière douce et azurée sur ce jeune homme à cette crise suprême de son existence.

Aurora était appuyée contre une mince colonnette en fer, regardant de côté la ville, et la mer au-delà de la ville. Elle était enveloppée dans une mante de soirée. C’était un vêtement qui n’était ni raide, ni apprêté, ni couvert de broderies, mais une ample draperie d’étoffe moelleuse de laine écarlate, comme Sémiramis elle-même aurait pu en porter.

— Elle a l’air de Sémiramis, — se dit Talbot. — Comment ce banquier écossais et son épouse du comté de Lancastre ont-ils fait pour avoir une Assyrienne pour fille ?

Il débuta brillamment, ce jeune homme, comme font les amants en général.