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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/227

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AURORA FLOYD

son regard se changeant en un sombre chagrin, mélangé d’un étonnement plein de reproche, et lui dit à voix basse :

— Vous pensiez cela de moi, John !… vous pensiez cela de moi !…

Mellish courba la tête devant elle.

— Je le pensais, ma chère, — murmura-t-il, — Dieu me pardonne pour mon indigne folie… je le pensais, Aurora. Mais j’avais pitié de vous, j’étais désolé pour vous, mon seul et cher amour ; et quand je le pensais le plus, j’aurais voulu mourir pour vous épargner la honte et la douleur. Mon amour n’a jamais changé, Aurora, mon amour n’a jamais changé.

Elle lui donna sa main et de nouveau regagna son siège. Elle s’assit un moment, silencieuse, comme si elle essayait de rassembler ses idées et de comprendre le sens de cette étrange scène.

— Qui me soupçonne de ce crime ? dit-elle alors. Quelqu’un d’autre m’a-t-il soupçonnée de ce crime ? Quelqu’un d’autre… que mon mari ?

— Je puis à peine vous le dire, ma chère madame Mellish, répondit Talbot ; — quand un événement de cette nature arrive, il est très-difficile de dire qui peut être ou ne pas être accusé. Différentes personnes ont fait différentes suppositions : l’une a écrit aux journaux pour déclarer que, dans son opinion, le crime a été commis par quelqu’un de la maison ; un autre a écrit aussi positivement à un autre journal, assurant que le meurtrier doit être un étranger. Chacun met en avant une masse de preuves supposées en faveur de son propre argument, et chacun cherche plutôt à prouver son habileté qu’à découvrir la vérité. Aucune ombre de scandale ne doit rester sur cette maison ni sur ceux qui l’habitent. Pour cela, il est nécessaire, impérieusement nécessaire, que le vrai meurtrier soit découvert. Un agent de police de Londres est déjà en campagne. Ces hommes sont habiles : quelque circonstance insignifiante, négligée par la plupart de ceux qui sont intéressés à la découverte de la vérité, peut souvent les mettre sur la vraie trace. Cet homme doit venir ce soir ici, à neuf heures, et nous som-