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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/30

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AURORA FLOYD

CHAPITRE XXII

Constance.

Conyers déjeunait dans sa chambre le lendemain de sa visite à Doncastre, et Hargraves le servait ; il lui préparait une tasse de café, et endurait sa mauvaise humeur avec cette patience qui semblait être le partage de ce bossu à voix sourde.

L’entraîneur refusa le café, demanda une pipe et se mit à fumer, humant par intervalles le parfum que les roses et les chèvrefeuilles répandaient dans sa chambre. Le soleil éclairait les lis roses et bleus peints qui s’entrelaçaient en monstruosités horticulturales sur le papier à bon marché dont les murs étaient ornés.

L’idiot brossa les souliers de son maître, les mit au soleil, lava la vaisselle du déjeuner, balaya le pas de la porte ; puis il s’assit pour ruminer, les coudes sur ses genoux et les doigts enfouis dans sa rude chevelure rousse. Le silence de cette matinée d’été n’était troublé que par l’étourdissant bourdonnement des insectes dans le bois et la chute accidentelle d’une feuille prématurément flétrie.

L’humeur de Conyers n’avait rien gagné à la nuit de débauche qu’il avait passée à Doncastre. Qui sait les plaisirs qu’il avait trouvés dans ces rues désertes, cette place du Marché où l’herbe croît, où les étals sont vides dans cette laide construction hermétiquement fermée qui a l’air d’une prison si on la voit de trois de ses côtés, et d’une chapelle si on la voit du quatrième, et qui, pendant les courses de septembre, s’éclaire tout à coup et devient des plus bruyantes. De grandes affiches collées sur ses murailles gigantesques, et imprimées en bleu, annonçaient M. et