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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/42

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AURORA FLOYD

seux pour la faire adhérer plus solidement, et n’ajouta rien par là à l’apparence de la missive.

— C’est un de ces godelureaux qui ne regardent à rien, se dit-il en retournant la lettre sous ses yeux ; — il ne songera pas à s’assurer si elle a été ouverte. Ce qu’elle contient ne valait guère la peine qu’on l’ouvrît ; mais peut-être est-il bon de savoir cela tout de même.

Aussitôt qu’Hargraves eut disparu par la porte-fenêtre, Aurora se prépara à sortir pour se mettre à la recherche de son mari.

Elle fut arrêtée sur le seuil par Mme Powel, qui s’y tenait debout ; son insipide visage exprimait cette patience respectueuse et soumise des gens salariés.

— Est-ce que le Colonel Maddison dîne ici, ma chère madame Mellish ? demanda-t-elle d’une voix aigre-douce, et cependant avec une certaine impatience de savoir, qui faisait croire que sa vie, ou tout au moins sa tranquillité d’esprit dépendait de la réponse. Je désire le savoir, car, bien entendu, il faudra changer le poisson, et peut-être ferions-nous bien d’avoir du mulligatawnay ou tout au moins un plat de curry parmi les entrées ; ces anciens officiers de l’Inde sont si…

— Je ne sais pas, — répondit Aurora d’un ton poli. — Étiez-vous depuis longtemps à la porte quand je suis sortie, madame Powell ?

— Oh ! non, — répondit la veuve, — j’arrivais. Ne m’avez-vous pas entendue frapper ?

— Non… — dit Aurora. — Vous n’avez pas frappé, n’est-ce pas ?

Mme Mellish mit entre les deux phrases un intervalle peu rassurant.

— Oh ! si, deux fois, — répondit Mme Powell avec autant d’empressement qu’en exigeait la politesse, — j’ai frappé deux fois ; mais vous paraissiez si préoccupée, que…

— Je ne vous ai pas entendue, — interrompit Aurora ; il faudrait frapper un peu plus fort si vous voulez qu’on vous entende, madame Powell. Je suis venue ici pour chercher John et je reste pour mettre de l’ordre dans ses ar-