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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

nemi. Si vous êtes, comme je le suppose d’après vos manières, un peu plus qu’un ami, si vous l’aimez et qu’elle vous paye de retour, épousez-la, et elle aura une dot que la femme d’un gentleman ne serait pas honteuse d’apporter à son mari.

Il n’y avait en ce moment ni colère ni impatience dans la voix du banquier. Son ton était très-ému. Clément le regardait tout étonné de ce changement dans ses manières.

Dunbar vit ce regard, et on aurait dit qu’il s’efforçait d’y répondre.

— Vous ne devez pas être surpris que je ne veuille pas voir Margaret Wilmot, — dit-il ; — ne comprenez-vous pas que mes nerfs manquent de vigueur, et que je ne puis me faire à l’idée d’une entrevue avec cette jeune fille qui, sans doute, puisqu’elle me poursuit avec tant d’entêtement, me soupçonne d’avoir assassiné son père ? Je suis vieux, et j’ai passé trente-cinq ans dans l’Inde. Ma santé est ébranlée, et j’ai en horreur toutes les scènes tragiques. Je ne suis pas encore remis du choc de cette épouvantable affaire de Winchester. Allez le dire à Margaret Wilmot ; dites-lui aussi que je serai son sincère ami si elle veut accepter mon amitié, mais que je ne la verrai que lorsqu’elle aura meilleure opinion de moi.

Il y avait quelque chose de franc et de simple dans ce langage. Un moment Austin fut dans l’incertitude. Margaret avait peut-être tort, en somme, et il pouvait se faire que Dunbar fût innocent.

C’était Clément qui avait informé Margaret que Dunbar était attendu à la banque ce jour-là, et c’était par suite de cette information que la jeune fille était venue à Saint-Gundolph Lane avec la ferme résolution de voir l’homme qu’elle croyait être le meurtrier de son père.

Clément revint au bureau où il avait laissé Mar-