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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

à travers le visage enfantin de la jeune fille, dans l’ombre et l’obscurité.

Dans les calculs qui occupaient sans cesse le cerveau de cet homme, Charlotte n’était qu’un chiffre au milieu d’autres chiffres nombreux. Elle avait sa valeur dans le total ; mais sa beauté, sa jeunesse, son innocence, son amour, sa confiance, n’étaient comptés pour rien et n’influaient en aucune façon la fixation du chiffre pour lequel elle entrait dans la somme de l’addition.

Eût-elle été vieille, laide, désagréable, à peine constituée pour vivre, qu’elle eût représenté exactement le même nombre dans les calculs de Sheldon.

Les grâces qui la rendaient belle étaient des grâces qu’il était inapte à apprécier. Il savait qu’elle était jolie femme, mais il savait aussi que les jolies femmes ne sont pas rares dans les rues de Londres et la différence qui pouvait exister entre sa belle-fille et la dernière des femmes qu’il croisait sur sa route, était moins pour lui qu’un préjugé social.

Quoique le secret dût être gardé à l’égard de Haukehurst, il se mit à l’œuvre sans allures mystérieuses, et il mena l’affaire avec une haute habileté artistique.

Il conduisit sa belle-fille dans les bureaux de Greenwood et Greenwood et expliqua ce qu’il voulait à l’un des directeurs en la présence de Charlotte. S’il appuya un peu plus qu’il ne l’avait fait dans le précédent entretien sur le désir ardent que Mlle Halliday avait de garantir les avantages pécuniaires qu’elle voulait assurer à sa mère, cette jeune personne était trop confiante et trop timide pour le contredire.

Elle lui laissa déclarer, ou plutôt donner à entendre, que cette proposition d’assurance était une idée spontanée de son esprit, une émanation de son cœur affec-