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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

— Oui, cher ami, j’irai les retrouver dès demain.

— Demain !

— Oui, dès demain, Gustave. Il y a eu de ma part égoïsme et cruauté à différer aussi longtemps. La crainte d’affronter les reproches de ma sœur a été assez forte pour m’en empêcher, quand un peu de courage aurait pu me procurer le moyen de te venir en aide. Toi seul as supporté le fardeau et je n’ai rien fait de mon côté. Oh ! quelle misérable j’ai été de rester oisive en te voyant souffrir sans faire un effort pour te soulager.

— Mais, ma bien chérie, tu n’es pas restée oisive ; tu as été la plus tendre et la plus entendue des femmes ; tu m’as aidé, au contraire, à porter mon fardeau… Bien plus encore, ma chérie, tu l’as rendu doux à supporter.

— Je veux essayer d’alléger ce fardeau, Gustave ! s’écria Susan avec chaleur. Oh ! pourquoi… pourquoi ne l’ai-je pas fait plus tôt ! Ma sœur et son mari sont en bonne position, riches peut-être… S’ils vivent encore, si de cruels changements ne sont pas arrivés à Newhall, ils pourront nous aider… ils pourront peut-être même nous donner asile. Je partirai pour l’Angleterre dès demain.

— Non, ma chérie, tu n’es pas assez forte pour entreprendre un aussi long voyage. Il me semble que tu as une heureuse pensée en songeant à tes riches parents, mais tu ne peux pas faire seule un pareil voyage. Tu pourrais leur écrire.

— Non, Gustave, je ne veux pas me fier à une lettre. J’irai. Je n’aurai aucune peine à m’humilier pour l’amour de toi. J’irai droit à ma sœur. Je sais combien son cœur est tendre et compatissant. »