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Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome II.djvu/106

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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

n’y a pas six mois. Puissances infernales, quel scélérat ! Et il y a des gens qui ne croient pas qu’il est un démon ! »

Pendant quelques moments, Valentin s’abandonna à la violence de sa douleur : ces larmes de rage et d’angoisse étaient les premières qu’il eût versées depuis qu’il avait penché son visage sur la brune chevelure de Charlotte pour cacher ces témoignages de son chagrin.

Quand il eut essuyé ces larmes amères qui coulaient de ses yeux brûlants, il se tourna vers George, qui était pâle comme la mort, mais très-calme : à partir de ce moment, il n’eut plus de faiblesse. Il avait à soutenir sa lutte contre le temps, le plus impitoyable des ennemis, et chaque minute perdue était un point marqué par son ennemi.

« J’ai besoin de votre aide, George, dit-il ; si vous avez jamais eu regret de n’avoir pas fait un effort pour sauver le père de Charlotte montrez-vous son ami en tentant de la sauver.

— Si j’ai eu du regret ! répéta l’homme de loi. Mais jamais je n’ai pu délivrer mes rêves de l’horreur, avec laquelle je revois sans cesse le visage de ce malheureux homme. Vous ne savez pas ce que c’est qu’un meurtre. Nul ne le sait quand il ne s’y est pas trouvé mêlé. Vous lisez les comptes rendus dans vos journaux : A… a brûlé la cervelle à B…, C… a empoisonné D…, et ainsi de suite en passant en revue toutes les lettres de l’alphabet, avec une nouvelle énumération tous les dimanches. Mais cela ne vous touche pas d’une manière directe ; vous pensez aux horreurs que vous voyez décrites avec un frissonnement superficiel, comme si vous vous figuriez avoir un serpent enroulé autour de votre poitrine ou de vos jambes, comme tous les hommes et