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Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome II.djvu/127

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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

avec son lourd levier de fer et sa forte vis de pression semblant destinée à extraire tout sentiment spontané des lettres soumises à son action puissante.

C’est dans ce triste réduit que Valentin se promenait de long en large, le cœur rongé par le démon de l’impatience.

Le soleil de juillet frappait sur la fenêtre et les voix des joueurs de crocket qui faisaient leur partie dans les jardins voisins retentissaient dans les airs.

Il y avait donc des jeunes filles jouant au crocket, pendant qu’elle, la rose du jardin, gisait dans son lit, malade à en mourir !… Oh ! pourquoi ne pouvait-il offrir une hécatombe de ces créatures insignifiantes pour racheter la vie de cette belle entre toutes les belles ?

« Je ne veux pas penser à ces choses, se dit-il. Je ne puis croire à la possibilité de cette séparation. Oh ! non, elle sera sauvée. Contre cette jeune et brillante existence, l’arrêt terrible n’est pas encore prononcé. La Providence a été avec moi aujourd’hui, la Providence me soutiendra jusqu’au bout. »

Il songea combien d’autres hommes étaient arrivés où il en était alors, ayant en face d’eux le grand inconnu, la crise, le point tournant, le pivot sur lequel la vie elle-même accomplit son mouvement de rotation. La pendule de la puissante horloge va, vient par un mouvement solennel, chaque vibration marque un moment, à chaque moment les destinées de l’homme franchissent un pas inexorable. Et quelle est la fin de tout ? Vers quel but le porte chacun de ces pas accomplis sans retour ?

Valentin se rappela les oracles virgiliens, les inductions que les Wesleyens tiraient des textes de la Bible.

Ah ! ne pourrait-il pas obtenir une réponse à la ques-