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Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome II.djvu/233

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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

Le mariage de Lenoble fut célébré sans plus d’apparat que celui qui avait assuré la sécurité de Charlotte et le bonheur de Valentin.

L’ombre de la mort planait dans le proche voisinage des nouveaux époux, car ils savaient que celui qui présidait ce jour-là à la petite fête de leur mariage, aurait bientôt goûté cette coupe sacrée qui ne laisse pas après elle de déboire amer.

Le déjeuner promis par le capitaine fut servi avec beaucoup d’élégance. Les fleurs et les fruits, les vins dans leurs bouteilles couvertes d’une rosée glacée, les poulets et les langues idéalisés par l’art des artistes culinaires et à peine reconnaissables sous le glacis de gelées de viande qui les ornaient, les délicates salades de homard et le parfait au café faisaient honneur à la célèbre officine de Belgrave, d’où sortait cet élégant déjeuner.

Paget avait été heureux d’envoyer ses ordres à Gunter, certain qu’il était des fonds nécessaires pour acquitter la note.

C’était presque pour lui comme un coup d’œil jeté sur cette terre de Chanaan en Normandie qu’il ne devait jamais habiter.

Il était très-faible et très-malade, mais la surexcitation du moment le soutenait dans une certaine mesure.

Le domestique qui lui avait été donné pour le servir et le soigner, l’avait habillé avec beaucoup de soin, dans une robe de chambre aussi élégante que celles qu’il portait quand, jeune lieutenant sans le sou, il menait la vie joyeuse de garnison, cinquante années auparavant ; ses longs cheveux blancs étaient surmontés d’une calotte, ses pieds patriciens étaient mis en relief par d’élégantes pantoufles.