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Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome II.djvu/273

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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

revient sûrement tôt ou tard sur son ancien théâtre, avec des moustaches et un brougham.

Néanmoins Sheldon ne revenait pas : les moustaches et le brougham du pécheur châtié et repentant n’étaient pas pour lui. Il s’était fermé toute possibilité de retour.

Il est à supposer qu’il savait cela, car il ne revenait pas, et, comme il ne manquait pas d’un certain courage moral, il n’aurait pas négligé de se montrer dans le milieu qu’il avait autrefois fréquenté, s’il avait été possible pour lui de faire face aux difficultés de sa position.

Le temps passait, et il n’arrivait aucune nouvelle de l’absent, bien qu’un agent de police eût été expédié en Amérique par l’un des plus furieux d’entre les porteurs des fausses traites, pour se mettre à sa recherche.

On supposait qu’il avait dû nécessairement se rendre en Amérique, mais il ne résulta de cette expédition qu’un surcroît de frais et une exaspération plus grande chez celui qui avait été sa victime.

« Que ferez-vous de lui si vous parvenez à le saisir ? demanda un ami plus philosophique du créancier. Il n’y a rien à en tirer. Zabulon est nanti d’un ordre de vente sur son mobilier.

— Son mobilier !… s’écria la victime exaspérée, ce n’est pas son mobilier qu’il me faut : c’est sa chair et ses os. Ce que je veux, c’est le voir enfermé dans la prison de Dartmoor et le faire condamner à vingt années de travaux forcés et l’envoyer subir sa peine dans l’île de Portland.

— Un homme de cette sorte aurait obtenu sa grâce dans moins d’une année. Tout ce que je crains, c’est de vous voir échanger du bon argent contre du mauvais. »

L’événement prouva que l’ami n’avait que trop bien vu les choses.