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Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome II.djvu/291

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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

« Ne faites pas la bête avec moi, George, dit-il d’un ton piteux. Je ne vous demande pas beaucoup… une croûte de pain, un coin pour dormir, et des habits pour me couvrir. Un frère, sans être trop exigeant, peut demander cela à son frère.

— Peut-être, répliqua George. Mais il est bien osé à vous de vous adresser à moi. Vous avez eu votre tour, Philippe, vous en ayez usé, et vous vous êtes efforcé de me tenir à distance. Mon tour est venu enfin, et vous pouvez y compter, je saurai faire en sorte de vous tenir aussi à distance respectueuse. »

Le coupable le regarda avec stupéfaction : il s’était senti sûr de trouver là la nourriture et un abri, et il avait enduré des misères et des privations qui réduisent un homme à un état où la nourriture et l’abri constituent le suprême bien qu’on puisse obtenir en cette vie.

« Vous ne refuserez pas de faire quelque chose pour moi, George ?… dit-il d’un ton larmoyant.

— Je ne ferai rien pour vous, entendez-vous bien cela ? Rien ! Vous m’avez appris que le sang n’est pas plus épais que l’eau, il y a douze ans, quand vous avez épousé la veuve de Tom Halliday et serré les cordons de votre bourse, après m’avoir jeté une misérable somme de cent livres, comme on jette un os à un chien. Vous m’avez donné à entendre que c’était tout ce que je pouvais espérer obtenir de votre amour fraternel, ou de votre peur que je ne dise tout ce que je savais. Vous m’avez donné à dîner de temps à autre, parce qu’il convenait à votre intérêt d’avoir l’œil sur moi et parce que vous aviez toujours quelque sale besogne entre les mains, pour laquelle les conseils d’un habile praticien comme moi vous étaient on ne peut plus utiles. Je ne