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Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome II.djvu/293

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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

— Pensez-vous que je voudrais dormir sous le toit que vous ? s’écria George.

— Pourquoi non ?

— Pourquoi non ! Parce que j’ai peur de vous, parce que j’aimerais autant un serpent pour compagnon ou un loup pour camarade de lit. Je vous connais. J’ai vu ce que vous pouviez faire et comment vous saviez agir. Et si vous avez pu faire ce que vous avez fait, lorsque vous n’aviez d’autre pression que la crainte de vous perdre, si vous étiez découvert, que ne feriez-vous pas maintenant que vous êtes aussi désespéré et aussi affamé qu’un loup et sans autre loi que celle qui gouverne un loup : la loi de la conservation ?… Me fierai-je à un tigre, parce qu’il m’a dit qu’il est affamé ? Non, Philippe. Aussi, ne me fierai-je pas à vous.

— Vous me donnerez au moins quelque argent… assez pour vivre une semaine ou deux ?…

— Pas un denier. Je ne veux pas établir de précédent. Je ne reconnais aucun lien entre nous. Ce que vous avez de mieux à faire, c’est de vous en aller. Je ne désire pas envoyer chercher un policeman, mais si vous ne partez pas de bonne volonté… il faudra que vous partiez autrement.

— Vous feriez cela ?

— Je ne vous croyais pas capable de vous montrer si dur pour moi, balbutia le misérable avec sa voix affaiblie, qui était devenue de plus en plus faible pendant cet entretien.

— Pensez-vous que je voudrais avoir confiance en vous ? s’écria George. Confiance en vous !… Vous dites que je suis dur parce que je refuse de vous donner un coin pour vous y coucher. Et si je le faisais, vous quitteriez en ram-