Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome II.djvu/52

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
48
L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

Quand il se sentait fatigué ou découragé, la pensée de Charlotte ravivait son courage et le faisait triompher de sa fatigue.

Les idées agréables lui venaient en foule quand il pensait à Charlotte.

Quoi de plus facile pour lui que d’écrire une histoire d’amour ? Il n’avait qu’à créer une Charlotte imaginaire pour en faire son héroïne, et un flot de pensées amoureuses sortait de sa plume avec une abondance inépuisable ; elle prêtait à ses lectures un charme et une grâce qui rendaient plus parfaites les œuvres les plus poétiques.

Ce n’étaient plus Achille et Hélène qui se rencontraient sur le mont Ida, mais Valentin et Charlotte ; ce n’étaient plus Paolo et Francesca qui lisaient ensemble le livre fatal, c’étaient Valentin et Charlotte transportés au moyen âge ; la pure coïncidence du nom lui rendait les chagrins de Werther sympathiques.

L’envahissante présence de la bien-aimée se manifestait en tout et partout.

Sa religion n’était pas le panthéisme, c’était le charlottisme.

Maintenant, tout était changé. Un noir souci l’oppressait à chaque instant. La mystique présence se manifestait à toutes les heures solitaires du jour et de la nuit, mais cette image, qui avait été belle et florissante comme l’incarnation de la jeunesse et du printemps, était maintenant un pâle fantôme enveloppé d’un suaire et qu’il n’osait contempler.

Il écrivait toujours, car il est étonnant que la main puisse écrire et que l’esprit puisse se diriger à travers les ombres du monde de la fantaisie, pendant que des soucis dévorants vous rongent le cœur. Eh bien ! peut-