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Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome II.djvu/99

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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

songé à la succession Haygarth, il ne s’était jamais demandé ce qui arriverait dans le cas du décès de Charlotte.

« C’est un mystère infernal, se dit-il à lui-même. Il ne peut pas y avoir de motifs ; je n’en vois aucun. Faire disparaître Charlotte, c’est se fermer le chemin de la fortune. »

Puis il se rappela les obscures paroles de George.

« Mon Dieu ! voilà ce qu’elles voulaient dire, aussi clairement qu’il lui était possible d’oser exprimer sa pensée. Il m’avait dit que son frère était un abominable scélérat et j’ai fermé l’oreille à ses avertissements parce qu’il convenait à mes intérêts d’avoir confiance en ce scélérat. Par amour pour celle qui m’est chère, j’ai cru en lui. J’aurais cru en Belzébuth s’il m’avait promis la main de Charlotte. Et je me suis laissé duper par ces promesses menteuses et j’ai laissé ma bien-aimée au pouvoir de Belzébuth. »

Les pensées se succédaient avec la rapidité de la foudre dans son cerveau en travail ; il était resté un moment les coudes appuyés sur la table et la tête appuyée sur ses poings fermés, quand il se tourna brusquement vers le médecin.

« Pour l’amour de Dieu, secourez-moi… guidez-moi ! s’écria-t-il. Vous m’avez porté un coup qui a paralysé mes sens. Que dois-je faire ?… Ma fiancée est au pouvoir de cet homme… mourante peut-être, comment puis-je la sauver ?

— Je ne saurais vous le dire. Vous pouvez appeler auprès d’elle le plus habile homme de Londres, mais reste à savoir si cet homme verra assez clairement le danger pour prendre de promptes mesures. Dans ces sortes de cas, il y a toujours place pour le doute, et