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LA FEMME DU DOCTEUR.

son nom hors de la question ? Oh ! Isabel ! — s’écria-t-il en changeant brusquement de ton, — que Dieu me pardonne, mais je ne vous comprends pas. N’êtes-vous rien qu’une enfant innocente, après tout, ou bien la coquette la plus vile qui ait jamais vécu ? Vous êtes l’une ou l’autre, nécessairement. Vous parlez de votre mari. Ma pauvre enfant, il est un peu trop tard pour parler de lui. Vous auriez dû penser à lui le jour de notre première rencontre ; le jour où vos yeux se baissèrent pour la première fois sous mon regard ; où votre voix trembla pour la première fois en prononçant mon nom. Dès le premier moment vous m’avez trompé. Je ne suis ni fourbe ni voleur, pour m’emparer du bien d’autrui. Si votre cœur avait appartenu à votre mari lorsque je vous vis pour la première fois, la beauté d’un ange sur une fresque de cathédrale n’aurait pas été plus éloignée de moi que la vôtre. Croyez-moi, Ève commençait à se lasser de l’Éden quand le serpent commença à lui parler. Si vous aviez aimé votre mari, Isabel, j’aurais courbé la tête sur le seuil de votre maison, comme en entrant dans une église. Mais je vis que vous ne l’aimiez pas ; je vis bientôt que vous m’aimiez, que vous sembliez m’aimer. Dieu sait que j’ai lutté contre la tentation et que je n’ai cédé, enfin, que lorsque mon cœur m’eut dit que mon amour était sincère et honnête, et digne du sacrifice que je vous demande. Je vous demande ce sacrifice, je le demande hardiment, comme un homme qui est prêt à vous rendre dévouement pour dévouement. Le petit monde auquel vous direz adieu, Isabel, est un monde dont les portes se refermeront en même temps sur moi. De ce moment votre vie m’appartiendra avec toutes ses conséquences. Je ne suis