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LA FEMME DU DOCTEUR.

ouverts qui avaient hanté ses rêves dans cette courte nuit d’été. Tout s’expliquait alors. Sleaford avait évidemment fait ses préparatifs pour quitter Camberwell, pour quitter l’Angleterre, si toutefois il était vrai que la famille allât en Amérique.

Le lendemain, de grand matin, un monsieur très en colère arriva d’Albany Road. C’était le propriétaire de la maison abandonnée qui venait d’être informé à l’instant de la fuite des Sleaford, et qui était dans une fureur indescriptible à cause de ses trois termes en retard qu’il ne devait jamais voir probablement. Il parcourut la maison les mains enfoncées dans ses poches, ouvrant les portes à coups de pied, et parlant de ses locataires en termes fort peu flatteurs. Il pénétra dans le petit parloir où George et Sigismund déjeunaient avec des pains français spongieux et des œufs à la coque, également français, d’une fraîcheur douteuse, leur jeta des regards féroces, et marmotta quelques paroles dont le sens général était qu’il les trouvait bien impudents de banqueter de la sorte, dans sa maison, au moment où il venait d’être volé par leurs scélérats d’amis. Outre le mot scélérat, il employa d’autres adjectifs en parlant des Sleaford ; mais Sigismund quitta sa place devant la nappe malpropre, et, la bouche pleine, protesta qu’il croyait à l’honnêteté des Sleaford, et que, bien qu’éclipsé pour un instant, Sleaford ne manquerait pas de payer les trois termes, en envoyant, à la première occasion, un bon sur la poste pour le montant de sa dette. À quoi le propriétaire répondit simplement qu’il espérait que Sigismund n’aurait pas la migraine pendant tout le temps que Sleaford mettrait à payer son terme, souhait charitable qui composa à peu près toutes les politesses que