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LA FEMME DU DOCTEUR.

votre tête. J’ai fait mille projets pour notre vie commune, Izzie. Il n’est pas un de vos caprices, pas une de vos fantaisies que je ne me sois rappelé. Quel bonheur ! vous montrer ces choses merveilleuses et ces paysages magnifiques ! Quelle joie délicieuse que de voir vos yeux s’ouvrir bien grands en présence des plus jolis tableaux de l’univers ! Je vous vois à mes côtés, Isabel, et voici que ma vie est transformée. Je me suis lassé de toute chose au monde ; mais, avec vous près de moi, le monde entier sera aussi neuf, aussi frais pour moi, que l’Éden pour Adam au premier jour de sa vie. Isabel, vous pouvez avoir confiance en moi. J’ai douté de moi-même et je me suis mis à l’épreuve. Mon amour n’est pas éphémère, le temps et la mode ne le changeront ni ne l’amoindriront ; s’il en était autrement, j’aurais fait mon devoir et je me serais éloigné de vous pour toujours. J’ai pensé à votre bonheur autant qu’au mien, ma bien-aimée ; c’est pourquoi je vous demande aujourd’hui d’avoir confiance en moi et de quitter cette ville pour toujours.

Quelque chose comme un cri de désespoir s’échappa des lèvres d’Isabel.

— Vous me demandez de partir avec vous ! — s’écria-t-elle regardant Roland comme si elle pouvait à peine croire au témoignage de ses oreilles. — Vous me demandez de quitter George et d’être votre… maîtresse ! Ah ! lady Gwendoline disait donc la vérité. Vous ne comprenez pas… personne ne comprend comment je vous aime !

Elle s’était levée en parlant et elle se jeta éperdument contre la balustrade du pont, sanglotant amèrement, la figure cachée dans ses mains crispées.

— Pour l’amour de Dieu, écoutez-moi. Pouvez-vous