Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/153

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
149
LA FEMME DU DOCTEUR

il n’en est pas de même du pécheur. Lancelot, le coupable, le passionné, le malheureux Lancelot, ne peut trouver des phrases aussi nobles. Il ne fait entendre que les folles lamentations et les plaintes vaines de l’homme qui est dans son tort. Pendant toute la durée du service, Roland contempla le visage de la femme qu’il aimait. Si Colborne avait pu savoir de quelle étrange manière ce soir-là ses paroles sincères et suppliantes frappaient l’oreille de deux de ses auditeurs ! Isabel demeurait fort calme sous les rayons ardents de ce sombre regard. Elle ne levait les paupières que de loin en loin ; de temps en temps seulement elle donnait un coup d’œil suppliant sur ce visage de la galerie. Dans toute l’église elle ne voyait que cette unique figure. Elle absorbait et effaçait tout le reste, et la couvrait de ses rayons éblouissants, comme au premier jour.

Elle s’efforçait de bien faire. Pendant les deux derniers mois elle avait tourné tous ses efforts vers ce but. Il ne lui restait plus rien au monde que la sagesse, depuis qu’il était perdu pour elle ― et puisque l’existence romanesque à la Béatrice Portinari était impossible. Si elle avait habité un pays catholique elle aurait été au couvent ; dans l’état des choses elle pouvait seulement venir à Hurstonleigh entendre M. Colborne, dont l’éloquence répondait aux aspirations vagues de son propre cœur ignorant. Elle s’efforçait de bien faire. Elle était maintenant dans les meilleurs termes du monde avec la digne et franche Mathilda, car la femme du médecin s’était mise à rester chez elle et avait demandé à l’honnête Tilly de l’instruire dans l’art de repriser les chaussettes.

La vue du visage sombre et menaçant du méchant