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LA FEMME DU DOCTEUR.

senti à croire à la sincérité et à la pureté de la femme. Il la regardait, et il voyait son visage, très-pâle à la lumière de la lune, — blêmi, sans doute, par la pâleur coupable de la peur. Le dessin même de sa robe lui était familier. Ne l’avait-elle pas portée pendant l’une de leurs entrevues au Roc de Thurston !

— Niais ! — pensait-il, niais, d’avoir pensé qu’une femme qui trouvait si naturel de tromper son mari, pouvait m’être fidèle. Lorsque j’allais au-devant d’elle j’étais mal à l’aise ; mais elle, elle arrivait en souriant, et s’éloignait placide et belle comme un bon ange, pour aller dire à son mari qu’elle était allée au Roc de Thurston, et qu’elle avait rencontré par hasard M. Lansdell.

Il restait là, debout, immobile comme la mort, ne trahissant pas sa présence par le plus petit bruissement du feuillage, tandis que les deux personnages se rapprochaient de l’endroit où il se trouvait. Mais à quelques pas de là ils s’arrêtèrent, pour se séparer très-tranquillement, à ce qu’il semblait, lorsque Mme Gilbert releva la tête et dit quelque chose à l’homme. L’homme tournait le dos à Roland, auquel n’échappait pas la moindre expression de la physionomie d’Isabel très-éclairée par les rayons de la lune. Il lui parut qu’elle le suppliait de lui accorder quelque chose, car il n’avait jamais vu son visage si animé, — même le jour où elle décida la question du bonheur de sa vie dans cette entrevue d’adieu sous le chêne de lord Thurston. Elle semblait implorer, car l’homme inclina la tête une ou deux fois avec un brusque geste d’assentiment, pendant qu’elle parlait ; puis, lorsqu’ils furent au moment de se quitter, il se baissa et l’embrassa. Il y avait dans ses manières, en