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LA FEMME DU DOCTEUR

n’y eût de la vérité et de la sagesse dans le chaud plaidoyer de son ami ; mais il était trop tard pour renoncer à son dessein. Longtemps en suspens et irrésolu, longtemps en proie au doute pour lui-même et pour le monde, il était enfin fermement déterminé à mettre sa résolution à exécution.

— Isabel, je vais à Londres — dit-il après être resté quelques minutes à côté de Mme Gilbert, en contemplant silencieusement la surface de l’eau ; — je vais à Londres demain matin, Isabel.

Il ne l’appelait plus qu’Isabel maintenant et s’arrêtait volontiers avec une sorte de tendresse sur ce nom. Édith Dombey l’aurait couvert de confusion s’il s’était permis cette hardiesse auprès d’elle, en lui jetant un regard de reproche hautain ; mais il y avait longtemps que la pauvre Isabel avait reconnu qu’elle ne ressemblait nullement à Édith Dombey.

— Vous allez à Londres ! — s’écria d’un ton pitoyable la femme du médecin. — Ah ! je savais… je savais bien que vous repartiriez et que je ne vous reverrais plus.

Elle joignit les mains avec un geste de terreur soudaine et le regarda avec un monde de désolation et de reproches peint sur sa figure pâle.

— Je savais que cela arriverait ! — répéta-t-elle. — La nuit dernière, j’ai rêvé que vous étiez parti et que je venais ici. Ah ! le chemin me semblait affreux ! Je prenais sans cesse les mauvaises routes, je me trompais de champs, et enfin, quand j’arrivai, il n’y avait qu’une personne, un étranger, qui me dit que vous étiez parti et que vous ne reviendriez jamais !

— Mais, Isabel… mon amour… ma bien-aimée… — ces tendres épithètes ne l’étonnèrent pas, tant elle