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LA TRACE

et à tout moment pour se moquer et rire de nos fêtes bruyantes et tumultueuses que, conformément à la loi des contrastes, nous appelons plaisirs. Ce fantôme, c’est le passé !

Valérie n’est pas seule ; un petit garçon, de sept à huit ans, se tient debout devant ses genoux et lit à haute voix dans un livre de fables :

« Une grenouille vit un bœuf. »

Il commence et, comme il lit le premier mot, la porte du boudoir s’ouvre et donne passage à un gentleman dont le pâle et beau visage, les yeux bleus, les cils blonds, la chevelure et les sourcils noirs font reconnaître pour l’époux de Valérie. ;

« Ah ! dit-il, lançant un coup d’œil railleur sur l’enfant qui lève les yeux un instant, puis les baisse sur le livre avec une indifférence qui dénote peu d’amour pour le nouveau venu, vous instruisez votre fils, madame, vous lui apprenez à lire, n’est-ce pas une absurdité ? Le bambin a une belle voix et l’oreille d’un maëstro ; qu’il apprenne le solfège et très-probablement, un de ces jours, il sera un homme aussi illustre que… »

Valérie le regarde avec le mépris d’autrefois, avec cette froideur glaciale des premiers jours.

« Désirez-vous quelque chose de moi ce matin, monsieur ! demande-t-elle.

— Non, madame. Ayant l’entière disposition de votre fortune, que pourrais-je désirer ? Un sourire ?