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LA TRACE

« Vous êtes vraiment assez bonne pour me demander, madame, le sujet de ma visite, votre discernement naturel vous faisant comprendre qu’il n’y a rien de bien remarquablement attrayant dans la fréquentation de ces appartements et dans les lectures enfantines exclusivement composées de mots d’une syllabe (il jette en parlant un coup d’œil sur l’enfant et ses cruels yeux bleus ne sont jamais si cruels que lorsqu’il regarde de ce côté), pour m’engager à pénétrer ici sans quelque motif.

— Monsieur sera peut-être assez bon pour être bref dans l’exposé de ce motif. Il peut imaginer que, me consacrant entièrement à mon fils, je ne vois pas avec plaisir ses études ou même ses amusements interrompus.

— Vous élevez votre jeune comte Almaviva comme un prince, madame ; c’est quelque chose d’avoir un sang noble dans les veines, même d’un seul côté. »

Si elle avait pu le tuer du regard lancé par son œil noir étincelant, il fût tombé mort tandis qu’il prononce les mots qui frappent l’un après l’autre son cœur brisé : il connaît son pouvoir, il sait en quoi il consiste, il sait comment en user et il se plaît à la torturer, parce que, malgré qu’il ait obtenu d’elle rang et fortune, il n’a jamais pu la subjuguer, elle l’a toujours défié même dans son désespoir.